lundi 26 septembre 2011

Des pâtes qui ont DU GOUT !

Trois semaines à travailler sur des pâtes si nouvelles, en apparence indomptables et farouches, et finalement peu à peu (très peu à peu...) apprivoisables.

L'organisation chaque nuit nouvelle, jamais acquise, commence à m'imprégner.

Mais... pourquoi tant de saveurs ici et pas ailleurs, me direz vous...

Jmen vas vous dire la réponse (je commence à parler québécois...)

Ici, les pâtes ne sont pas pétries. Fichtre donc, pour une boulangère, en voilà une affirmation étrange !
Non, les pâtes sont frasées (c'est à dire simplement mélangées pour que la farine et l'eau fasse un truc pâteux) quelques minutes, entre 4 et 7. Avec minimum 80% d'hydratation, vous pouvez bien imaginer que ça donne quelque chose de très liquide, sans corps, sans tenue "mais comment kjvais faire pour façonner cte bouillie informe et en sortir un pain ??!!!".



Oui mais... je ne vais pas vous l'apprendre, qu'est-ce que c'est donc qui remplace le manque de pétrissage ?? Bin c'est le POINTAGE évidemment ! Le premier repos, dans le pétrin !!


Donc nos pâtes, celles du moins qui n'ont pas de levain, elles reposent dans la cuve du pétrin longtemps. Hyper longtemps. 8-9-10h...
Ah mais oui mais une pâte qui repose autant après ça gonfle informément et ça n'a pas non plus de tenue ça dégobille...

(genre la macération bizarre dans le cul de poule là, c'est le pain au thé matcha [pétri à la main siouplé] qui repose...)

Non ! Pas si on rabat les pâtes, vous devez bien le savoir, comme on la rabattait 3 fois au Grenier à Pain. Oui, sauf qu'un rabat par heure sur 9h, ça impliquerait de ne vraiment jamais dormir...

DONC, nous on a un truc éléctrique, un disjoncteur qui remet du courant 6sc par heure, et ça fait un rabat automatique sur la cuve du pétrin. Ouais, c'est dingue. Je n'ai pas réussi à comprendre, mais Benoit m'a justement dit d'arrêter de vouloir tout comprendre, ça pour le coup, c'est le job de l'éléctricien.

Ok.



DONC. Vlà que la pâte repose un siècle. Et ça lui donne du corps. On revient à la fin du siècle en question, à 2h du matin, ou 3h les jours de grasse matinée, et là, youhou, la pâte a un tout joli réseau glutineux.
Là on réalise que quand même, quand même, il y a quelque chose de magique dans la farine, dans la levure, dans le festin que se fait la levure de tous les pitis glucoses...

Bon, ok, on a compris prof, mais qu'est-ce qui ôte le goût du pain aujourd'hui ?
Beaucoup de choses.
Mais si on démarre à l'étape 2 (après l'étape 1 que sont les matières premières), on a notamment l'oxydation, qu'apporte un long pétrissage (et qui blanchit la pâte qui était d'une jolie couleur crème, et qui fait que se forme le fameux gaz Hexanal responsable de l'insipidité oui oui).

Evidemment, en moindre mesure, car il est tout de même possible de faire un pain très goûteux avec un pétrissage un poil plus long que celui de Benoit (mais pas tant), moins d'hydratation, mais là je vous parle de la signature farinoman.
Donc avec un mini pétrissage, ET un repos long comme ça, on ne PEUT PAS faire un pain pas bon. Bin oui, c'est pas plus compliqué que ça !

Voilà, la prochaine leçon de boulangerie sera sur... autre chose sans doute.

samedi 10 septembre 2011

Samedi, place des Prêcheurs...



Venir chercher son pain au Farinoman semble être partie intégrante du pèlerinage du samedi matin du bon Aixois. L’Aixois qui fait son marché place des Prêcheurs, poursuit à la boucherie, et termine à la boulangerie. Le samedi c’est jour de folie. La production démarre à 23h le vendredi soir ! L’énorme étagère à pain que l’on remplit habituellement au fil de la nuit et qui contient les produits à vendre au fil de la journée est vidée dans des sacs de farine et re-remplie à nouveau deux fois le samedi !

Le samedi, la vente ne s’arrête jamais. La boutique ne désemplit pas. L’Aixois est là, il accourt, à croire qu’il attend ce moment.

Il ya ceux qui font une quinzaine de kilomètres et qui prennent du pain pour toute la semaine car « il n’y a que chez vous que le pain est si bon », il y a ceux qui viennent à 4h, à 5h, à 6h, plutôt éméchés, et qui prennent chocosourires ou autres pains, il y a les inconditionnels de l’Isère et Ardèche, ce pain à la farine de châtaigne aux noix et aux figues qui est épuisé à 11h du matin même si on en a fait 15L. Les mordus de la Bure du Prêcheur (petit épeautre intégral et graines de lin) qui refusent à mon grand damn de goûter autre chose. Et puis il y a les gens du marché, la jeune fille des macarons, le fromager, madame du thé, ceux des légumes. Tous les producteurs bios qui viennent chercher leur Tango à la Tanche (olives, fromage de brebis, crème d’ail), ou leur chocosourire. Le samedi il y a le Grand blond au lait de chèvre, le Méteil, mon favori, le pain au gingembre quand on pense à le faire, 2 fois plus de baguettes qu’en temps normal. Le samedi, je vends, je vois les gens, je ne file pas à 9 ou 10h. Je retrouve mes habitués des 15 jours de l’été. Le samedi je revois des têtes connues, c’est la frénésie du samedi.

On met notre pain de côté tant qu’il y a encore le choix.

A partir de 11h, peu à peu, le choix se restreint, les gens qui viennent chercher leur « Ardéchois » comme ils aiment à le rebaptiser (ou « le pain noir aux figues ») sont dépités. On leur dit qu’il faut venir plus tôt, ils attendaient depuis la semaine d’avant de retrouver CE pain là. Ils se rabattent sur autre chose, ils ne seront pas déçus, assurément.

A 12h, il n’y a plus que quelques Nuages, des Alchimiches, des ficelles au sésame noir.

12h50, le dernier pain est vendu. That’s the way it is, samedi, à Aix, place des Prêcheurs…



La boutique est vide. Envolées les 11h de travail de la nuit, et quelques clients se permettent une petite boutade « mais vous n’avez rien fait cette nuit ?? ». A nos regards noirs, ils comprennent que c’était la remarque de trop.

On place le petit panneau jaune « désolée, toute la production est vendue, merci et à bientôt ». Grand ménage. 2 jours de repos.



Je reprends mon vélo, je redescends le cours Mirabeau, j’y croise les promeneurs du samedi midi. Pas les travailleurs de la semaine, lorsque je rentre vers 9h30. J’arrive chez moi. J’ai du bon pain, des légumes bios frais, du marché. Je me prépare une belle assiette avec un bon poisson

et je me fais, enfin, une dégustation royale de pain. Mon plus grand plaisir. Je tranche une part de chaque morceau, une première fois, une seconde fois, une n-ième fois, je les tartine à l’envie de 1001 mets. Je suis au paradis.



Une bonne manière de clore la semaine et de se rappeler que travailler à l’heure où les Aixois font fête est le prix à payer pour avoir le privilège de goûter un morceau de félicité en se disant « j’y étais, je l’ai fait »…

vendredi 9 septembre 2011

C'est les pâtes qui décident...

Travailler de nuit, être en plein décalage avec le monde. Drôle d’ascèse, drôle de vie. Au Farinoman, on démarre entre 2h30 et 3h. Termine à 9-10h, et puis je reviens deux fois par semaine vers 18h lancer les pâtes. Les pâtes qui restent 11h dans les pétrins, et subissent des rabats automatiques à chaque heure. Les pâtes qui prennent le temps de respirer et de grandir.

Je suis complètement décalée. Et je tâche d’apprendre à faire le pain de Benoit. Toutes les nuits recommence la réflexion, car les pâtes sont chaque fois un peu différentes. Et chaque fois, c’est la valse de la gestion du four. Quelle pâte faut-il façonner à quel moment par rapport à la place qu’il y aura au four dans une heure. Quel défi ! Anticiper le devenir de ses 5 pâtes dans l’heure et demie qui suit n’est vraiment pas facile. C’est la fameuse épreuve d’Organisation du travail du BP. Sauf qu’au BP, on a son crayon, sa gomme, et 3h devant soi (et encore, c’est trop court !) et que là, chaque nuit, il faut réagir du tac au tac.

Benoit m’apprend à orchestrer. Je tâche de l’observer en tous points. Je rentre à la maison, il est 10h15, je continue à cogiter, j’essaye de me remémorer ce que l’on a fait à quel moment. Ah non, cette nuit, il a fallu attendre une dizaine de minutes avant de façonner les nuages car sinon ils auraient dû partir au four 50mn après, mais pour cela, il aurait fallu que les Alchimiche soient sorties, et pour cela, il aurait fallu que les Alchimiches entrent au four dans 10mn, oui mais voilà, les Alchimiches, elles semblaient réclamer 20mn de pousse de plus. Et attends, là je vais tout de suite diviser les olympiques, comme ça je n’aurais pas de trou au four après les Nuages car, …

Toute la journée je continue à y penser, c’est un stage 24h/24 ! J’ai le cerveau qui bouillonne, il y a tant à comprendre, tant à apprendre…

Ce qu’il faut que j’apprenne avant Bangkok, c’est l’intelligence de l’organisation qui ne cesse de se réorganiser. L’organisation spontanée, l’organisation en mouvement. Si je parviens à faire ça, je crois que tout le reste sera aisé, …

Mais entre temps, il faut traverser le cours Mirabeau toutes les nuits avant 3h, s’astreindre à se coucher avant même le soleil, et se concentrer, chaque nuit, sur le caractère des pâtes, …

vendredi 2 septembre 2011

Voyage initiatique





Je suis revenue saluer Beyrouth après 3 ans et demi hors du Liban. J'y ai vu pour la première fois le pays sans Teita, un Jeddo plus bavard et plus ouvert avec lequel j'ai joyeusement discuté et récité des vers.
Cette gentille cohabitation d'une semaine avec le vieil homme de 98 ans, sa cuisinière, et la soeur d'icelle fut pleine de découvertes les uns des autres.
Je ne revenais pas au Liban car j'y ai trop peu d'amis et la crainte de m'y ennuyer m'empêcher de m'y envoler.



Cette semaine j'ai pu profiter de Beyrouth le jour, de Beyrouth la nuit, et de mon cher Jeddo.

Jeddo et sa voix qu'il a mis tant de temps à révéler.
"Comment me trouves tu ? Vieilli ?
-je te trouve plus bavard
-Moi, je suis un homme qui n'aime pas parler. Mais tu es là, alors je parle"

et comme tu parles ! oh oui tu parles, et tu te révèles et tu m'adoptes.



Et ce dernier déjeuner où nous avons tant discuté tu m'as dit
"au revoir, j'ai été ravie de te rencontrer. Non pas seulement physiquement, comme une jolie jeune femme, mais aussi ton esprit, qui est très beau"

et tout à coup, j'ai été bouleversée, et il m'a été très douloureux de prendre l'avion du retour.